La CSRD, un enjeu stratégique pour les entreprises

Article 20.04.2024

Spécialisé dans la cession-acquisition d’entreprise, Jean-Marc Raza - associé Eurallia Finance Orléans, collabore avec le cabinet Crowe Becouze. Stéphanie Garnier, Expert-Comptable et commissaire aux comptes – associée du cabinet d’Angers et Charlotte Alix, Consultante RSE Senior, en charge de l’accompagnement des entreprises concernées par la mise en œuvre de la CSRD vous présentent ce qu’il faut retenir de cette directive. Quels sont les enjeux de durabilité ? Quelles sont les entreprises concernées ? Comment cela impacte le modèle d’affaires ?...

La CSRD, pour Corporate Sustainable Reporting Directive, a tout d’une petite révolution. En normalisant les rapports de développement durable des entreprises et en leur imposant une transparence inédite sur leurs enjeux de durabilité, la directive européenne1  porte le reporting extra-financier au même niveau d’exigence que le reporting financier. A terme – dès 2025 pour les grandes entreprises, plus progressivement pour les ETI et les PME2   – les parties prenantes de l’entreprise disposeront d’un « rapport de durabilité » audité et publié en annexe du rapport de gestion, centralisant des informations clés et comparables en matière de stratégie RSE.

La durabilité s’impose donc comme une « mega-trend » dont on commence à percevoir les implications pour les organisations. Loin d’être conjoncturelle et portée par le Green Deal européen, cette tendance reflète l’importance des sujets de durabilité en reconnaissant que ces enjeux ESG3 – à commencer par le dérèglement climatique et l’épuisement des ressources naturelles – constituent le principal facteur de mutation de nos économies pour les décennies à venir. 

Performances RSE et performance opérationnelle

Les analystes financiers, les fonds d’investissement et les négociateurs reconnaissent déjà qu’il existe une corrélation positive entre de bonnes performances RSE et une performance opérationnelle. Au-delà de l’atténuation des risques, ils y voient des opportunités de création de valeur. Ainsi, deux tiers des acheteurs sont prêts à payer plus pour une entreprise qui démontre un haut niveau de maturité en matière d’ESG4 .

Les entreprises ont donc tout intérêt à intégrer ces enjeux comme un facteur de transformation de leur environnement stratégique. Et on aurait tort de penser que le sujet ne concerne que les grandes entreprises. La CSRD impose aux organisations d’identifier et d’agir sur leurs impacts, leurs risques et leurs opportunités liés aux enjeux de durabilités, non seulement sur leurs opérations directes, mais également sur leur chaîne de valeur. Les grands donneurs d’ordre embarquent donc tout leur écosystème dans ce mouvement.

Une opportunité pour repenser son modèle d’affaires

 

Ce « cascading » est déjà à l’œuvre : les grands groupes se fixent des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre qui vont bien au-delà de leurs scopes directs et s’étendent à leurs fournisseurs et leurs sous-traitants. Ils soumettent ces derniers à des questionnaires ESG de plus en plus exigeants, et à terme, leur demanderont des performances ESG solides et des métriques fiables, pour mettre en cohérence leur écosystème partenarial avec les objectifs et priorités RSE de leur organisation.

 

Pour les PME et les ETI, cette tendance de fond ne fera que s’accentuer et ne doit pas être vu comme une (seule) contrainte. Cette évolution représente une formidable opportunité de s’interroger sur la résilience de son modèle d’affaires, de se différencier auprès de ses clients en innovant et proposant des offres alternatives, d’attirer et de conserver ses talents, d’accéder plus facilement à des financements – qui déjà peuvent être indexés sur des indicateurs ESG... Pour des entreprises qui ne disposent pas d’une direction RSE, la tâche peut paraître ardue, tant la durabilité recouvre de multiples facettes et défis. Participer à des groupes de travail sectoriels, se rapprocher de ses organisations professionnelles ou s’appuyer sur l’expérience d’experts externes peuvent permettre de structurer ou renforcer sa démarche. 

 

 

[1] La Directive a été transposée en droit français en décembre 2023

[2] Dès 2025 (publication 2026) pour les grands groupes remplissant au moins 2 des 3 seuils suivants : effectif > 250, CAHT > 60 M€, total bilan > 30 M€. Dès 2026 (publication 2027) pour les PME cotées. 

[3] Environnement, social et gouvernance

[4] Étude 2022 sur la Due Diligence ESG en région EMA, KPMG